Le Conseil de sécurité se penche sur les crises sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC

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Le Conseil de sécurité s’est réuni l’après-midi du 20 février 2024, à la demande de la France, pour examiner la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Plus précisément dans la province du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda, où les combats s’intensifient entre le Mouvement du 23 mars (M23) d’un côté, et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ainsi que ses milices alliées de l’autre, a indiqué la Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC, Mme Bintou Keita.

La haute fonctionnaire a fait état de nombreux pics de violence dans le Nord-Kivu et des défis auxquels la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), qu’elle dirige, est actuellement confrontée.

La situation semble tout particulièrement inquiétante autour de Sake et Goma, où les combats se sont intensifiés depuis l’expiration du cessez-le-feu le 28 décembre dernier.

Les progrès du M23 ont entraîné un redéploiement des FARDC et de nouveaux déplacements de populations massifs, y compris vers la province voisine du Sud-Kivu.

Mme Keita a décrit une situation humanitaire « désastreuse » à Goma, où vivent 2 millions de personnes, et où des sites de déplacés ont été pris pour cible.

Plus de 400 000 personnes ont désormais trouvé refuge dans la ville, dont 65 000 au cours des deux dernières semaines, provoquant « une hausse spectaculaire des cas de choléra » en raison du manque d’eau potable, d’hygiène et d’assainissement adéquat.

Conséquence du redéploiement des forces belligérantes, un « vide sécuritaire » dans certains territoires du Nord-Kivu a attiré de nouveaux combattants du Sud-Kivu.

Ceux-ci s’adonnent à des violations graves des droits humains: la Cheffe de la MONUSCO a parlé « d’exécutions sommaires, de blessures, d’enlèvements, d’appropriations et de destructions de biens, de déplacements forcés » ainsi que de violences sexuelles.

Elle a pointé du doigt de nombreux groupes et milices, dont les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et le M23, qui, toujours d’après Mme Keita, procèdent au recrutement d’enfants soldats dans les villages placés sous son contrôle.

Dans un tel contexte, le retrait anticipé de la MONUSCO du Sud-Kivu, programmé dans moins de deux mois, a suscité une grande préoccupation parmi les délégations.

« Le Conseil doit suivre de près le retrait de la MONUSCO », ont exhorté les États-Unis, rappelant que le plan de désengagement prévoyait que les forces congolaises fassent d’abord leurs preuves en matière de sécurité avant que les Casques bleus s’en aillent.

Pour les membres africains du Conseil de sécurité plus un (A3+1), des mesures doivent être prises pour éviter un « vide sécuritaire » qui engendrerait une avancée plus profonde des groupes armés.

La Fédération de Russie a aussi estimé qu’un retrait précipité des Casques bleus aurait un effet « très négatif » sur la population civile.

D’autre part, une campagne de désinformation en ligne dirigée contre la MONUSCO -organisée depuis l’extérieur du pays, selon Mme Keita- entraîne des conséquences très réelles sur le terrain pour les soldats de la Mission, mais aussi pour le personnel des Nations Unies présent en RDC ainsi que les différentes missions diplomatiques.

Elles se font ressentir jusqu’à Kinshasa, où de récentes manifestations violentes ont menacé le personnel de l’ONU et le corps diplomatique.

Mme Keita a dit avoir été contrainte de restreindre les déplacements de personnel et d’instaurer le télétravail plusieurs jours durant.

Plusieurs membres du Conseil, à l’instar du Japon, ont appelé au respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC.

Malte n’a nommé aucun pays, mais noté que les ressources de la RDC demeuraient vulnérables à des attaques de « prédateurs ».

Le rôle présumé du Rwanda dans son soutien à des groupes armés a été évoqué par la France de manière plus directe.

Cette dernière a en effet dénoncé les attaques perpétrées le 7 février par le M23 contre la ville de Sake, « avec le soutien du Rwanda », considérant que ce groupe armé devait être neutralisé.

Pour la France, un seuil a été franchi avec le déploiement et l’utilisation sur le sol congolais de systèmes antiaériens ne correspondant pas aux capacités d’un simple groupe armé.

La délégation a enfin rappelé sa proposition faite avec le Royaume-Uni et les États-Unis d’inscrire sur la liste des sanctions de l’ONU six individus supplémentaires appartenant au M23 et aux FDLR.

« Les forces rwandaises doivent se retirer du territoire congolais », ont estimé pour leur part les États-Unis, jugeant paradoxal que le Rwanda, pays contributeur de troupes au maintien de la paix de l’ONU, puisse prendre des mesures contre une mission
« L’illusion de grandeur que se fait le Rwanda le pousse à croire qu’il a acquis un droit naturel de se mêler impunément des affaires internes de ses voisins », a martelé la RDC, estimant que le M23 est son « bras armé en RDC » et l’accusant d’être une des causes principales de la crise sécuritaire dans l’est de la RDC ainsi que dans la région des Grands Lacs.

La délégation congolaise a aussi accusé Kigali de bloquer les initiatives de paix issues des processus de Nairobi et de Luanda, ainsi que de vouloir constituer une « colonie d’exploitation et de peuplement » en RDC afin de contrôler les institutions congolaises.

De son point de vue, le Conseil devrait exiger du Rwanda qu’il retire sans condition ses troupes de la RDC et cesse tout soutien aux membres du M23, qu’il a qualifiés de « terroristes ».

En réponse, le Rwanda a accusé la RDC de vouloir renforcer une coalition militaire comprenant les FARDC, des mercenaires européens, des FDLR, ainsi que l’armée burundaise.

Il a aussi accusé ses voisins congolais et burundais de « vouloir un changement de régime au Rwanda ».

Soucieux d’apaisement, plusieurs membres du Conseil comme le Royaume-Uni, le Japon, l’Équateur et la Slovénie ont souligné l’importance du dialogue diplomatique dans le cadre de la feuille de route de Luanda et du processus de Nairobi.

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