George Mirindi, ancien garde du corps du défunt Laurent-Désiré Kabila, réfugié en Suède et condamné par contumace pour l’assassinat du Président, a livré une version différente des faits.
En 2019, George Mirindi a publié un ouvrage intitulé “LA MORT DE LD KABILA : NE NIE PAS C’ÉTAIT BIEN TOI”, un livre de 633 pages dans lequel il apporte des éléments de réponse aux questions essentielles en tant que témoin direct et survivant des événements.
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Dans cet ouvrage, ayant loupé l’opportunité des enquêteurs, j’ai voulu tout simplement démontrer et prouver les mises en scène l’une après l’autre, d’abord en confrontant les versions initiales du GLM aux versions officielles médiatisées après le faux procès de Makala, et plus tard la propagande médiatique par Mwenze Kongolo et son film, présentant Rachid comme l’assassin de Mzee Kabila; au motif que Rachid vengeait l’assassinat de Masasu Nindaga. Puis, les célèbres contradictions d’Emile Mota qui, ayant nettoyé les lieux en ramassant les douilles et les ayant cachées chez lui, dit en différentes versions contradictoires avoir été présent lors de l’assassinat, ses contradictions avec la version d’Annie Kalumbu, et surtout le fait que si Chiribagula dit avoir déjà neutralisé Rachid et donné conseil à Kapend de ne pas tuer Rachid pour la vérité; pourquoi le colonel Eddy Kapend l’avait-il achevé en hâte et vite caché son arme au lieu de suivre le sage conseil de Chiribabula pour permettre de connaître la vérité là-dessus, ou tout au moins ne pas retirer pour cacher l’arme de Rachid?
[…] La vérité sur la mort de Mzee Kabila ne se trouve ailleurs que dans le régime qui a pris le pouvoir le 16 janvier 2001. Une série de preuves en béton me permet de le confirmer, moi qui suis témoin des mises en scène que le nouveau régime a inventé et que vous lisez ici.
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Mes souvenirs de ce jour tragique du 16 janvier 2001
Comme nous avions deux équipes à la sécurité rapprochée de Mzee Kabila, j’étais du groupe qui était de service le jour durant cette semaine. Ce matin du 16 janvier 2001, j’étais arrivé au palais présidentiel un peu plus tôt, comme nous étions avertis la veille de la réunion du Colonel Eddy Kapend. Tous les officiers affectés à la sécurité du Président de la République étaient convoqués ce matin-là, pour la toute première fois depuis juillet 1998 quand le Général John Numbi avait amené et présenté Eddy Kapend à Mzee Kabila.
Depuis son arrivé et sa prise de fonction comme aide de camp du chef de l’Etat, le Colonel Eddy Kapend n’avait jamais organisé une telle causerie, pas la moindre réunion avec le personnel de sécurité du Président de la République. Et cette réunion spéciale à cette date ne suscitait pas la moindre curiosité parmi nous, tellement Eddy Kapend, bien qu’il fut arrivé à côté du chef plus tard, était devenu non pas le fidèle des fidèles qu’il prétend pour des raisons connues, mais l’homme le plus fort parmi les plus proches de Mzee Kabila.
[…] Chacun des officiers présents était averti de ne plus oser penser à un autre chef qu’à lui seul, le colonel Eddy Kapend, qui, par cette parade du matin, demandait aux officiers de prêter allégeance à son autorité et de s’allier à lui seul, en exécutant ses ordres promptement.
[…] Après avoir dissout malignement la brigade du GSSP jadis commandée par le Colonel Jean Claude Kifwa fin 2000, la veille du 16 janvier, cependant, toute la garnison de la ville de Kinshasa avait été soumise à un désarmement stratégique…. Les deux hommes forts, Eddy Kapend et Joseph Kabila, agissaient sous couvert de ce qui était perçu comme une opération de routine, alors qu’en réalité le compte à rebours avait commencé et déjà les étapes se succédaient les unes après les autres vers la fin d’un roi et la naissance d’un autre.
[Page 29]
Ma dernière conversation avec Mzee Kabila
C’était ce 16 janvier à neuf heures du matin. Mzee Kabila quittait son domicile pour la dernière fois au volant de sa jeep Mercedes noire, vers le bureau d’où il sortira mort. Nous nous hâtions derrière lui vers le bureau comme d’habitude pour lui ouvrir les portes et faire entrer les visiteurs. Laurent Désiré Kabila, en vrai rebelle toute sa vie, n’avait presque pas de protocole d’Etat, d’autant plus qu’il travaillait en dehors du Palais de la Nation. Il ne s’y rendait rarement que lors des réceptions avec ses pairs Présidents. Ce qui fait que nous servions à la fois comme son protocole et comme sa sécurité… […] Même Mwepu, qui était le directeur du Protocole, pouvait facilement faire tout un mois sans avoir rencontré le Président de la République. Le Président Laurent Désiré Kabila lui-même, ou via ses maîtresses Anny Kalumbu Lwengesa, ou Nelly Ngoy Twite, nous communiquait ses visiteurs et nous disait après combien de minutes nous devrions les faire sortir pour faire entrer les autres.
[…] Après quelques minutes dans son bureau le matin du 16 janvier, il se tint débout devant la porte; il me fit signe de venir auprès de lui, me disant de lui ramener ses lunettes et un petit carton de papiers mouchoirs laissés sur le siège arrière de sa jeep. C’était la dernière fois que j’ai vu et parlé au Président de la République.
[Pages 33-35]
Mon arrestation après les coup de feu
Ce 16 janvier, je me pressais donc à mon domicile prendre ma valise et le passeport pour m’apprêter au voyage du jour au Cameroun où le Président Laurent Désiré Kabila devait participer au sommet de la France-Afrique aux côtés de ses pairs francophones.
C’est de chez moi que j’entendis le retentissement des balles par ma radio Motorola. Immédiatement, le capitaine Kakwata Mbuj ordonna la fermeture de toutes les barrières d’accès et de sortie du Palais de Marbre. Avec ma valise en mains, je me hâtais sur la pente vers ma voiture tout en suivant les conversations. C’était un grand désordre sur le canal talkie-walkie, ma batterie était à plat, déchargée. Mais j’écoutais “Juliette Papa” (le code d’Annie Kalumbu), dire en pleurant “banamupiga Foka One masashi”, pour dire “on vient de tirer sur le Président” (“Foka One” était le code du Président Laurent Désiré Kabila).
[…] Faute de batterie, je ne pouvais plus suivre les conversations sur Motorola. On me refusa l’entrée au Palais de Marbre. Un long moment assis dans ma voiture, immobilisé comme d’autres voitures des voisins du palais présidentiel, car l’entrée et la sortie étaient subitement refusées et fermées. […] Je patientais durant plus d’une heure peut-être, le sous-lieutenant, revenu et ayant parlé à son commandant Kakwata, me disait de faire marche arrière pour garder ma voiture sur la route Matadi et entrer avec lui à pied.
Mon calvaire allait commencer, car brusquement l’allure et la situation avaient changé. A l’arrivée au palais présidentiel, je voulais rentrer dedans prendre ma batterie dans notre petit bureau. L’officier me refusa pour la deuxième fois l’entrée dans l’enceinte du Palais de Marbre. Au même moment, il parlait au téléphone et me demanda de remettre mon pistolet et le Motorola sur ordre du capitaine commandant de bataillon. Je lui donnais les effets exigés.
Un temps après, un camion Jefang venait d’entrer dans une clôture sur l’avenue des dix-huit parcelles. J’ai toujours pensé que c’était dans la résidence de Mme Gisèle Ngoy Kunda, ou peut-être celle de son voisin. Le sous-lieutenant ne portait plus ses galons. Après s’être parlé avec l’autre officier qui sortait du camion Jefang, je voyais un changement de situation et de comportement que je ne comprenais pas.
Le camion était chargé des cartons de francs congolais et un coffre-fort. J’ai cru que c’étaient soit des cartons d’argent stockés dans le bureau d’Eddy Kapend, soit des cartons d’argent stockés dans le bureau du Président Kabila, comme nous y déchargions souvent un camion Mercedes que le Gouverneur de la Banque centrale, Jean-Claude Masangu, envoyait régulièrement plein pour approvisionner le Président de la République. C’est ici qu’un lieutenant en tenue civile, puisque les militaires lui disaient “mon lieutenant”, m’a obligé à monte dans ce camion pour aider ses miliaires à décharger le camion. Je m’opposais à cet officier, déjà désarmé. Je faisais prévaloir mon grade de lieutenant. Il ordonna à ses hommes de me brutaliser. Ils me placèrent dans le capot de la voiture comme un sac, après m’avoir administré quelques coups de botte. Des injures et des menaces m’étaient adressées par cet officier qui disait : “tuta mu isha mwe bantu ya Kivu. Muna mu piga nkambo masashi” (“nous allons vous exterminer, vous originaires du Kivu. Vous avez tiré sur le vieux”).
[Page 61-62]
Mwenze Kongolo rattrapé dans ses versions contradictoires
[…] Ainsi, contrairement à la version qui dit que j’ai fait des aveux la veille et que je me serais évadé de la prison alors que je devais révéler et réaliser ma promesse, je n’ai jamais fait des aveux de leur crime comme ils prétendent. J’ai plutôt été empêché de parler aux enquêteurs comme ils savaient que nous allions sûrement les démasquer, que nous ne pouvions pas louper l’occasion de dénoncer leurs mises en scène aux Angolais, aux Zimbabwéens et aux Namibiens. Il nous fut forcé de signer des papiers, et nombreux aveux de circonstances furent faits par nombreux parmi nous sous torture, notamment au GLM, par les déclarations lucratives des taupes glissées parmi nous et des des récits truqués furent confectionnés avec de faux témoins.
[…] A plus de quatre-vingt-dix pourcent originaires du Kivu, plus de trois cents personnes s’étaient retrouvées aux arrêts dans le GLM, accusés d’avoir tué le Président Kabila après la mi-janvier 2001, alors que d’autres centaines y avaient déjà été tuées, torturées, ou y avaient transité, accusées aux côtés de Masasu Nindaga en octobre et novembre 2000.
[…] Dans cette cave souterraine de la mort dans le GLM, déjà de folles rumeurs semblaient avoir été répandues, avant même que nous n’ayons eu la chance de parler et de répondre à un questionnaire. Au GLM, les accusés comme François Olenga, George Mirindi, John Bahati, Zébédée Basubi, Fraterne Cibunga, Nico Bavurha, Willy Bilolo, François Barhokomerwa, Charles Bahati, et d’autres et leurs proches torturés gravement étaient d’office les assassins du Président Kabila.
[…] Une personne agressée ne peut jamais ne pas réagir. Lutter pour la vie est inné. Emile Mota doit nous dire la vérité. Une blessé réel doit au moins réagir, bouger à défaut de parler, une fois criblé des balles rien ne peut empêcher le sang de sauter hors du corps, car même une simple blessure au couteau de cuisine nous fait paniquer en voyant du sang couler énormément.
[…] Le Président Laurent Désiré Kabila n’a sûrement pas été assassiné par Rachid, et sûrement pas à l’heure qu’on nous décrit et incroyablement pas de la façon que les Eddy Kapend, Mwenze Kongolo, nous le décrivent…
La rédaction (benjamin Babunga)
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