Rdc: Joseph Kabila s’adresse à la nation

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«Il y a six ans, je prenais congé‌ de mes responsabilités en tant que Président de la République, Chef de l’État. Et, fait inédit dans notre pays, en près de soixante ans d’indépendance, je passais pacifiquement la main à un nouveau Chef d’Etat.

Depuis lors, je m’étais imposé un strict devoir de réserve, y compris quand j’ai fait l’objet, directement ou par mes proches interposés, de provocations, de déni des droits, d’humiliations, d’imputations dommageables et d’autres multiples atteintes à‌ ma dignité‌. D’abord parce que je suis convaincu que le temps est le meilleur allié de la vérité et un antidote lent, mais puissant, contre le venin du mensonge et de la délation. Mais aussi et surtout, parce qu’agir autrement, aurait fait le jeu de ceux qui, par cette campagne odieuse, cherchaient à détourner l’attention de notre peuple de leur incapacité, aujourd’hui avérée, à répondre à ses attentes et aspirations.

J’ai enfin décidé de briser ce long silence ; de sortir de ma réserve et de m’adresser à vous, parce que l’enjeu est de taille. Il est même existentiel. Non pas pour ma famille politique ou biologique, moins encore pour ma modeste personne. Mais plutôt pour la Nation congolaise, et pour l’avenir de notre cher et beau pays.

J’ai décidé de briser le silence, parce qu’au vu de la situation que traverse notre pays, continuer à me taire, m’aurait rendu poursuivable devant le tribunal de l’histoire, pour non-assistance à plus de cent millions de compatriotes en danger. Je saisis cette opportunité pour partager avec vous mes réflexions et participer ainsi à la recherche de la solution à la crise que traverse notre pays, la République Démocratique du Congo, terre de nos ancêtres, car il est gravement malade, et son pronostic vital est engagé.

Mieux que quiconque, vous en êtes conscients, car vous en faites quotidiennement les frais dans votre chair, et vous en payez le prix.

Vu l’importance stratégique de notre pays et le rôle qu’il est appelé à jouer, j’avais, dès l’avènement au pouvoir du Chef de l’État actuel, conclu avec lui un Accord donnant naissance à la coalition entre nos forces politiques respectives.

A propos de cet Accord, beaucoup de contre-vérités ont été dites, y compris, fort malheureusement, par celui qui est censé connaitre la vérité, parce qu’en étant l’un des deux principaux signataires.
En attendant qu’au moment opportun, la vérité soit rétablie, preuves irréfutables à l’appui, permettez-moi, pour l’instant, d’affirmer qu’en ce qui me concerne, la conclusion de cet Accord n’avait pour seule motivation que l’intérêt supérieur de la Nation…

Sur le plan économique, la situation est des plus inquiétantes. Malgré l’augmentation des recettes publiques – essentiellement due à l’arrivée à maturité de toutes les réformes courageusement votées de 2002 à 2018, notamment, les nouveaux codes Minier, forestier, des hydrocarbures, des assurances et de la sous-traitance et un niveau d’aide financière accrue, de la part des institutions de Bretton Woods, aucun investissement n’a été réalisé pour doter le pays d’infrastructures modernes, soutenir des réformes structurelles et stimuler la croissance.”

Militaire, j’ai juré de défendre la patrie jusqu’au sacrifice suprême. Hier au pouvoir, aujourd’hui en dehors du pouvoir, je demeure plus que jamais fidèle à ce serment. En ce moment où le pays est de nouveau divisé, appelé par le destin, j’ai le devoir d’œuvrer à la recherche de la paix et de contribuer à la reconstruction de notre pays qui se meurt. C’est dans cet esprit que j’ai choisi ce moment pour exprimer ma sympathie à l’endroit de toutes les victimes du conflit en cours; de réconforter et de marquer ma solidarité avec la population de la partie orientale de notre pays, vous qui êtes abandonnés par un pouvoir central qui semble avoir pris le parti de vous punir, entre autres, en déconnectant les institutions financières locales du réseau bancaire national, et en restreignant les mouvements des personnes et des biens.

Les conséquences négatives de cette gouvernance non orthodoxe sont pour le moins stupéfiantes. Le pays est ainsi devenu un espace de non-droit ; la République a cessé d’être démocratique, et la volonté du Chef de l’Etat tient désormais lieu de loi suprême, supplantant la Constitution et les lois.
En revanche, érigées en politique du gouvernement, le populisme et la démagogie, le mensonge et l’arrogance, la discrimination et la stigmatisation de certaines composantes de notre peuple, l’institutionnalisation du tribalisme et du népotisme, l’opposition des communautés nationales les unes aux autres, les discours de haine et l’injustice ainsi que l’impunité, ont d’autant plus aisément détruit la cohésion nationale et le vivre ensemble que l’opulence outrancière et le non-respect de la parole donnée sont les maîtres mots de la classe politique au pouvoir; ce qui a rendu le pays fragile et donc, vulnérable.
Plus grave, le repli identitaire, dangereux pour l’édification de toute nation, a refait surface avec ses vieux démons dont l’intolérance et la division.
Et, circonstances aggravantes, cela est non seulement toléré et impuni, mais aussi et surtout, véhiculé et financé par les tenants du pouvoir.

Le cœur serré, je constate qu’à peine six ans après, ce bel héritage en indivision, légué à l’ensemble de notre peuple, a été complètement dilapidé par celui qui en avait reçu la garde ; que notre pays offre un spectacle des plus désolants; et qu’il suscite d’autant plus de désespoir au sein de notre peuple, et de pitié et de moqueries à travers le monde, que l’inconscience de ses dirigeants ne permet aucun espoir de redressement.

Alors que j’avais trouvé un pays au bord de l’implosion ; miné par une longue dictature et des guerres, sans institutions républicaines ; économiquement en faillite, et socialement déchiré – bref, un pays dont l’incertitude des lendemains menaçait la stabilité de toute la région, le 24 Janvier 2019, j’avais en effet légué un bien meilleur héritage à mon successeur, à savoir :
⏹Un pays réunifié, largement pacifié, et dont les limites territoriales
correspondaient exactement à celles qu’elles étaient au 30 Juin 1960 ;
⏹Une nation reconstituée, réconciliée et fière de sa diversité ;
⏹Un État doté d’une Constitution progressiste, et des institutions
fonctionnant harmonieusement ;
⏹Une économie dynamique et résiliente, et débarrassée du fardeau de la dette héritée des régimes antérieurs, du fait des multiples réformes structurelles engagées ;
⏹Une armée nationale républicaine, de plus en plus professionnelle et capable de relever le défi de la défense de l’intégrité du territoire national ;
⏹Une démocratie en constante consolidation avec, notamment, l’organisation, sur fonds propres, d’un troisième cycle électoral.

Il est dès lors vital, que les multiples initiatives de recherche de la paix, Luanda, Nairobi, EAC-SADC, Union Africaine, Doha et Washington, que nous accueillons favorablement, les considérant comme autant de signes de compassion et de solidarité à notre peuple, soient conscientes de cette exigence; et qu’elles accordent aux Congolais, à la fois, maîtres de leur destin, et premières victimes de cette crise, la place centrale qui leur revient de droit, aussi bien dans le diagnostic du mal dont souffre le pays, que dans la prescription du traitement dont il a besoin pour en guérir définitivement. Il convient de noter à ce sujet que le gouvernement de Kinshasa s’est enfin résolu à se mettre autour d’une même table avec l’AFC/M23, depuis plusieurs semaines à Doha, même si, bizarrement, il continue à considérer, comme un crime, le fait que les autres congolais se parlent entre eux. C’est le lieu, pour moi, de saluer la démarche des Évêques de la CENCO et de l’ECC, qui a le mérite de n’exclure du débat, aucun sujet, ni aucun de nos compatriotes. Sans être parfaite, cette initiative conjointe des Églises, mérite le soutien et, si nécessaire, des enrichissements de la part de notre peuple

Signé : Joseph Kabila

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