Révolution de la Conscience Révoltée(54)
Jeudi 23 Octobre 2025
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Guerre médiatique et communication politique en RDC : quand la parole devient une arme de destruction sociale.Par Jonas Tshiombela, Avocat du Peuple.
La parole qui tue
Dans un pays en crise permanente de confiance et d’éthique publique comme la République Démocratique du Congo, les mots pèsent souvent plus que les balles. La guerre médiatique, désormais menée sur les réseaux sociaux, a pris une dimension dangereuse, transformant le plateformes censées informer, éduquer et divertir en champs de bataille numériques.Des communicateurs improvisés, tant de la majorité que de l’opposition, se livrent à une surenchère d’invectives, de diffamation et de manipulation, pendant que le citoyen ordinaire devient la première victime de cette dérive collective
Une guerre médiatique sans code ni conscience
Depuis plusieurs années, la scène politique congolaise n’est plus seulement un théâtre de discours et de programmes, mais un ring virtuel où chaque camp arme ses “communicateurs” comme des soldats numériques.Facebook, TikTok, X (Twitter), YouTube et WhatsApp sont devenus les nouvelles tranchées de la guerre politique. Les “live”, “espaces” et “directs” se succèdent, non pas pour éclairer la conscience nationale, mais pour entretenir la haine, la désinformation et la division. Ces communicateurs autoproclamés souvent sans formation journalistique ni éthique se substituent aux médias professionnels, violant au passage toutes les règles de déontologie. Ils ne vérifient pas, ils propagent. Ils n’analysent pas, ils insultent. Ils ne servent pas la vérité, mais les intérêts de ceux qui les nourrissent ou les flattent. À cette dérive verbale s’ajoute désormais une dérive visuelle tout aussi grave : la publication massive d’images, des vidéos et des photos immorales, violentes ou humiliantes. Des scènes d’intimité exposées sans consentement, des corps blessés ou tués exhibés au nom d “scoop”, des contenus obscènes partagés pour attirer des vues tout cela se fai sans aucune retenue ni sens de l’éthique. Cette nouvelle forme d’obscénité numérique détruit non seulement la dignité des personnes, mais banalise la violence et la vulgarité dans une société déjà fragilisée par la misère morale et l’anomie. Ce n’est plus la liberté d’expression, mais la liberté de profaner, sous les applaudissements virtuels d’un public mal éduqué à la citoyenneté numérique.
La manipulation : un outil de contrôle politique et de désorientation sociale
La manipulation de l’opinion publique est aujourd’hui un instrument politique central en RDC. Dans un pays où la majorité de la population tire son information des réseaux sociaux, l’absence d’esprit critique ouvre la voie à la fabrication du mensonge collectif. Des vidéos truquées, des citations sorties de leur contexte, des rumeurs fabriquées deviennent des “vérités publiques”. Chaque camp construit son récit, son “histoire officielle”, tandis que la vérité devient une victime collatérale. Ce phénomène n’es pas neutre : il alimente la méfiance, déstabilise les institutions, délégitime les acteurs sociaux crédibles et banalise la haine tribale et régionale. La manipulation médiatique est devenue une arme de guerre psychologique, capable d’allumer un feu social en un clic.
Les conséquences : la fragilisation de la démocratie et la menace sur la sécurité des citoyens
Les conséquences de cette dérive sont profondes et inquiétantes :
1. Perte de confiance dans les institutions et les médias professionnels : les citoyens ne savent plus à qui se fier.
2. Criminalisation de la parole publique : l’opinion devient suspecte, la critique devient offense, et la divergence devient trahison.
3. Atteintes à la sécurité des personnes : des campagnes de diffamation mènent à des menaces, des arrestations arbitraires, voire à des violences physiques.
4. Radicalisation de la jeunesse : une génération entière est élevée dans la haine de “l’autre camp”, sans culture du débat ni du discernement
5. Vulnérabilité nationale : la manipulation des masses par des puissances étrangères ou des groupes internes fragilise davantage la souveraineté et la cohésion nationale.
6. Décadence morale accélérée : la diffusion d’images indécentes et dégradantes corrompt les mœurs, détruit la pudeur publique et pervertit la jeunesse, créant un climat d’impunité culturelle où tout devient permis.
La responsabilité des élites politiques et intellectuelles
Les leaders politiques portent une responsabilité morale et stratégique dans cette dérive. Au lieu d’encourager la formation d’une communication responsable et patriotique, beaucoup financent ou encouragent les communicateurs de la haine. L’intellectuel, le journaliste, le pasteur, le formateur tous assistent souvent en silence à cette décadence, alors qu’ils devraient être les gardiens de la vérité et les sentinelles de la conscience nationale. Il est temps de comprendre que la guerre médiatique est une guerre contre la raison, contre la paix et contre la République. Aucune démocratie ne peut se bâtir sur la peur, la manipulation,l’humiliation publique et le mensonge organisé.
Pour une éthique nouvelle de la communication publique
La RDC doit d’urgence réhabiliter l’éducation aux médias, la formation citoyenne et l’éthique de la parole et de l’image publiques. Les institutions telles que le CSAC, les universités, les partis politiques et la société civile doivent agir pour encadrer cette jungle numérique. Il faut instaurer :
1. Des codes de conduite pour les communicateurs politiques ;
2. Une formation obligatoire en éthique, en gestion de l’image et en vérification de l’information ;
3. Des sanctions légales contre les campagnes de diffamation, les publications immorales et la propagation volontaire de fausses nouvelles ;
4. Et surtout, un culture du débat civilisé, du respect mutuel et du discernement numérique.
En résumé : reconstruire la parole et l’image nationales
La guerre médiatique actuelle n’est pas un simple épisode de communication politique ; elle est un symptôme profond de la décadence morale et institutionnelle. Il est temps de désarmer la haine, de désintoxiquer l’espace public et de redonner à la parole et à l’image leur valeur sacrée : éclairer, éduquer et unir. Parce que la République Démocratique du Congo n’a pas besoin de communicateurs du chaos ni de marchands d’images obscènes, mais de passeurs de vérité, de bâtisseurs de conscience et de sentinelles de paix. La liberté d’expression n’est pas la liberté de détruire, ni la liberté de déshonorer, mais le devoir de construire et d’édifier. Partager cette réflexion, vos remarques et suggestions par mails : tshiombelajonas@gmail.com. KInshasa RDC)

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