Désiré Kabila : entre vérité historique et devoir de mémoire
Dire la vérité sur l’entrée de l’AFDL et la trahison initiale, c’est poser les bases d’une prise de conscience nécessaire pour un véritable sursaut national.
“Histoire, histoire…annoncez”
1997 : L’entrée de l’AFDL et la trahison des Kabila
Le 17 mai 1997, journée désormais fériée en RDC, marque officiellement la fin du régime de Mobutu Sese Seko. Ce jour-là, les troupes de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL), dirigées par Laurent-Désiré Kabila, prennent Kinshasa. Présentée comme une rébellion congolaise, l’AFDL était en réalité une coalition largement composée de soldats rwandais, ougandais et burundais, avec un fort contingent de réfugiés Tutsi ayant fui les conflits dans la région des Grands Lacs.
Le régime mobutiste, affaibli par la maladie et l’usure du pouvoir, est renversé avec l’appui logistique, politique et militaire de ces États voisins — un renversement tacitement soutenu par une partie de la communauté internationale (CI), principalement anglo-saxonne. La France, à l’inverse, fut l’un des rares pays occidentaux à rester fidèle à Mobutu, sans doute pour des raisons géostratégiques en Afrique francophone.
Ce renversement n’est pas sorti de nulle part. Dès 1973, avec la “zaïrianisation”, Mobutu entame une politique de nationalisation des entreprises étrangères — un affront pour certaines puissances qui voyaient encore le Congo comme un réservoir commun de ressources depuis le partage de l’Afrique au congrès de Berlin en 1885. En privant certaines multinationales de leur accès privilégié aux mines congolaises, Mobutu s’est attiré l’hostilité de ceux-là mêmes qui avaient jadis soutenu sa prise de pouvoir.
La montée du Rwanda comme puissance proxy
Avec Mobutu sur le déclin, la région des Grands Lacs devait voir émerger un nouvel acteur régional fort : le Rwanda. Paul Kagame, chef de l’armée du Front Patriotique Rwandais (FPR) et artisan de la fin du génocide de 1994, s’impose rapidement comme un interlocuteur incontournable pour les puissances occidentales. Le Rwanda devient, aux yeux de certains, une « Israël de l’Afrique centrale », un allié stratégique dans une région riche et instable.
Laurent-Désiré Kabila, guide malgré lui de l’invasion
C’est dans ce contexte que Laurent-Désiré Kabila joue le rôle de porte d’entrée. Il guide les troupes rwandaises jusqu’à Kinshasa et livre des informations sensibles sur les positions de l’armée zaïroise. Était-il naïf, ou tout simplement obsédé par l’idée de renverser Mobutu ? Probablement un peu des deux.
Mais rapidement, Kabila réalise l’ampleur de l’ingérence rwandaise. Il exige le retrait immédiat de toutes les troupes étrangères. En réponse, une partie des hauts cadres militaires et politiques, pour la plupart Banyamulenge ou Tutsi, quittent le pays… pour mieux revenir sous d’autres bannières :
•James Kabarebe, alors chef d’État-major de l’armée congolaise (AFDL), retournera ensuite au Rwanda où il dirigera les Forces de défense (RDF), deviendra ministre de la Défense, et occupe aujourd’hui le poste de ministre d’État en charge de la Coopération régionale. Il est sous sanctions américaines depuis 2025 pour son rôle dans le soutien au M23.
•Dr. Bizima Karaha, ex-ministre des Affaires étrangères, rejoint la rébellion du RCD.
•Déogratias Bugera, secrétaire général de l’AFDL, devient lui aussi cadre du RCD.
•Moïse Nyarugabo, assistant spécial de Kabila, suit le même chemin et deviendra plus tard sénateur congolais.
•Dan Munyuza, chargé du renseignement militaire sous l’AFDL, devient l’un des piliers du renseignement rwandais, puis chef de la Police nationale jusqu’en 2023, et actuellement ambassadeur du Rwanda en Égypte.
• Et tant d’autres…
0 Comments