Accord sans mémoire ni justice : la RDC peut-elle signer un avenir sans ses victimes ? Par Jonas Tshiombela Avocat du peuple

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Révolution de la conscience révoltée(24)
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Accord sans mémoire ni justice : la RDC peut-elle signer un avenir sans ses victimes ? Par Jonas Tshiombela
Avocat du peuple

Kinshasa, 28 juin 2025. Un accord a récemment été signé à Washington entre la République Démocratique du Congo et un partenaire étatique étranger. Un accord qui, en apparence, vise à instaurer un cadre de coopération, à prévenir les différends et à bâtir un mécanisme de surveillance conjointe. Mais derrière ce formalisme diplomatique, se cache une vérité crue : cet accord est sourd à la mémoire, muet face aux souffrances, et aveugle à la justice.

Un accord diplomatique
À première vue, certains aspects du texte peuvent sembler positifs pour la RDC : mise en place d’un Comité de surveillance conjointe, possibilité de modification mutuelle, et flexibilité dans la durée. Le texte assure aussi qu’aucune obligation ne pèsera sur les États tiers non parties, préservant ainsi une certaine souveraineté. Mais ces éléments techniques et généraux masquent des carences graves et inacceptables dans un contexte comme celui de la RDC, théâtre depuis deux décennies des pires atrocités de masse du continent africain.

Les grandes absentes : les victimes, la justice, la vérité
L’accord signé à Washington ignore totalement les victimes congolaises des crimes de guerre, des violences sexuelles, des déplacements forcés, et des pillages économiques. Pas une ligne sur la justice transitionnelle. Aucune mention de réparation. Zéro mot sur la vérité. Pire encore, aucune voix citoyenne, aucune organisation de la société civile, aucun survivant des atrocités n’a été intégré au mécanisme de surveillance mis en place. Il s’agit donc d’un processus diplomatique fermé, élitiste et technocratique, qui confisque la paix au lieu de la construire avec le peuple. Comment parler de résolution de conflit ou de différend si l’on évacue les fondements mêmes d’une paix durable : la reconnaissance du tort, la justice pour les victimes, et la participation des communautés ?

Un Comité déséquilibré et flou
Le texte prévoit que le Comité prenne ses décisions « par consensus », sans prévoir de mécanisme d’arbitrage en cas de désaccord. En d’autres termes, le blocage est structurellement possible, sans issue prévue.

Ce qu’il faut corriger d’urgence
La RDC, si elle est souveraine et digne, ne peut se contenter de cet accord en l’état. Il est impératif de :

1. Ajouter une clause de justice, de vérité et de réparation, engageant les Parties à soutenir des mécanismes nationaux ou internationaux d’enquête, de poursuite et d’indemnisation ;
2. Élargir le Comité de surveillance à des représentants de la société civile des deux pays, notamment des ONG de victimes et de défense des droits humains ;
3. Introduire un préambule fort reconnaissant les souffrances passées et la nécessité de ne pas oublier ;
4. Organiser des consultations publiques régulières afin d’assurer la transparence et l’appropriation populaire ;
5. Préciser le recours subsidiaire à la justice internationale en cas d’impasse ou de refus d’honorer les engagements.

La mémoire n’est pas négociable
La paix ne peut être signée entre deux stylos et deux chaises diplomatiques. Elle se construit avec la vérité, la justice, la participation, et surtout, la reconnaissance des victimes. Tout accord qui nie cela est un faux départ, une illusion dangereuse, et une insulte à la mémoire des millions de Congolais tombés dans l’oubli de l’impunité. La RDC a l’obligation morale et historique de ne pas trahir ses morts. Signer un accord sans justice, c’est ouvrir la porte à la répétition du crime. Que le sang versé nous donne enfin la lucidité de bâtir un avenir digne de nos martyrs. J’y reviens avec l’analyse des forces et faiblesses.

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