Le ministre congolais de la Justice et le procureur général près la Cour de cassation s’affrontent désormais publiquement. Constant Mutamba accuse Firmin Mvonde d’être un pro-Kabila, tandis que le second veut voir levée l’immunité du premier.
L’actuel bras de fer au sommet de l’appareil judiciaire congolais serait-il alimenté par une rancœur personnelle ? Le ministre de la Justice et le procureur général près la Cour de cassation s’accusent en tout cas mutuellement de dérive. Un désamour qui a pris une dimension nouvelle depuis que le second s’attèle à faire lever l’immunité du premier.
Firmin Mvonde a en effet introduit devant l’Assemblée nationale une requête, estimant qu’il fallait éclaircir la manière dont un marché a été attribué (il concerne la construction d’une prison à Kisangani, dans le nord-est de la RDC).
Alors que le désengorgement des prisons fait partie des priorités du locataire du ministère de la Justice, le contrat de 29 millions de dollars aurait fait l’objet d’une passation de gré à gré à l’opérateur, la société Zion construction. Suspecte paraît également l’ouverture d’un compte, la veille du versement d’un premier virement de 19 millions de dollars.
Enquête et contre-enquête
Saisis par Firmin Mvonde, les députés ont mis en place une commission qui a rapidement exprimé sa volonté d’auditionner les deux hommes. Réputé pour ne jamais garder sa langue dans sa poche, le ministre Constant Mutamba a décidé de porter l’estocade en dehors des espaces dédiés à l’enquête. Ce lundi 26 mai, au palais de Justice de Kinshasa, devant les agents et cadres de son ministère, il s’en est pris frontalement au procureur, agitant deux types d’arguments.
Primo, en cette période où le régime tente d’empêcher le retour sur le devant de la scène de l’ancien président Joseph Kabila, Constant Mutamba a tenu à rappeler que son adversaire « était dans le même groupe que les kabilistes », lesquels sont à ses yeux des « mafieux ».
Secundo, en réponse du berger à la bergère, le garde des Sceaux affirme que « celui qui fait l’objet d’enquête ne peut pas enclencher une action contre le ministre de la Justice ». Faisant allusion à une procédure sur l’achat, par Firmin Mvonde, d’un immeuble à Bruxelles (l’enquête a cette fois été initiée par le ministre lui-même), il évoque tout à la fois une « faute disciplinaire grave » et un outrepassement des prérogatives.
Test pour le milieu judiciaire congolais
L’outrance et la grandiloquence sont au rendez-vous, puisque le ministre est allé jusqu’à affirmer ne pas avoir « peur de la prison ». Il a aussi dit voir derrière, chez le procureur, une volonté claire de « l’humilier » et de « salir » sa réputation.
Ce bras de fer très médiatisé est un test pour l’environnement judiciaire congolais. Les collaborateurs du garde des Sceaux ont reçu l’ordre de ne pas répondre aux convocations du parquet. Quant aux députés, dans un pays où les majorités sont fluctuantes, nul doute qu’ils auront soin de faire et refaire leurs calculs politiciens au moment de voter l’autorisation de poursuites à l’encontre de Constant Mutamba.
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