Révolution de la Conscience Révoltée(14)
=========================
Affaire Mutamba : entre scandale, opacité et justice à géométrie variable, quel signal pour la RDC ?
Par Jonas Tshiombela
Kinshasa, 22 mai 2025, Le réquisitoire du Procureur général près la Cour de cassation sollicitant l’autorisation de poursuite contre Constant Mutamba, actuel ministre de la Justice, a fait l’effet d’un séisme politique dans la capitale congolaise. Ce dossier, abondamment commenté dans la presse et sur les réseaux sociaux, soulève des interrogations graves sur la gestion des fonds publics, l’intégrité des institutions, et surtout, sur la sincérité du pouvoir en place dans sa lutte contre la corruption.
Comment un marché public d’une telle sensibilité a-t-il pu être attribué par gré à gré, sans que les procédures de transparence, de contrôle et de validation ne soient rigoureusement suivies ? Qu’est-ce qui justifiait l’urgence d’une telle procédure expéditive, alors même que les fonds en jeu semble provenir d’une dotation destinée aux victimes des massacres de Kisangani ? Comment expliquer qu’une entreprise se soit vu affecter ces ressources sans l’approbation préalable du Premier ministre, pourtant exigée par la loi ? Et surtout, qui a orchestré la fuite des correspondances internes du ministère dans l’opinion publique ? Était-ce une manœuvre d’un cabinet divisé ? Une opération de sabotage interne ? Ou simplement l’expression d’un système devenu poreux et ingouvernable ?
Un scandale de plus dans un pays épuisé
Cette affaire, comme tant d’autres avant elle, illustre tragiquement le désordre institutionnel qui règne au sommet de l’État. Les fonds censés soulager les douleurs des victimes seraient détournés pour nourrir une clientèle politique. Pendant ce temps, la misère du peuple congolais se creuse. L’eau potable manque, l’électricité est rare, les écoles tombent en ruine, et les hôpitaux manquent de tout. Les scandales à répétition, de Matata Ponyo au projet Tshilejelu, en passant par les procès avortés des « 100 jours », révèlent une constante : l’impunité des puissants, l’instrumentalisation de la justice, et l’indifférence face aux priorités nationales.
Une justice sous pression, une opinion publique en alerte
Bien que Constant Mutamba bénéficie de la présomption d’innocence, son attitude de résistance face à la justice pose question. Un ministre, sûr de sa probité, devrait spontanément se mettre à la disposition des juges pour que toute la lumière soit faite. Au lieu de cela, c’est la scène théâtrale d’un ministre s’abritant derrière son immunité, criant à la machination et organisant une vaste offensive médiatique. À quoi rime cette hyper-publicité orchestrée à l’Assemblée Nationale et par le ministre lui même ? Pour influencer l’opinion ? Dissuader les juges ? Ou simplement détourner l’attention des vrais enjeux ?
Une gouvernance du slogan au lieu des actes
Alors que la RDC négocie un partenariat stratégique avec les États-Unis, censé améliorer la gouvernance et attirer les investissements, ce genre d’affaire envoie un très mauvais signal à la communauté internationale. Comment espérer convaincre des investisseurs étrangers de miser sur un pays où les fonds sociaux sont détournés au sommet de l’État, où la justice est soupçonnée de partialité, et où les priorités gouvernementales semblent guidées par l’agenda électoral plutôt que par le sort du peuple ?
Justice sélective ou nouveau départ ?
La condamnation récente de Matata Ponyo a été saluée par certains comme un tournant. Mais elle reste entachée de soupçons de justice sélective. Car nombreux sont les acteurs impliqués dans des dossiers de détournement, de corruption ou de mauvaise gestion qui, à ce jour, ne sont ni inquiétés ni interpellés. Les forages fantômes, les lampadaires hors de prix, les infrastructures inachevées et les marchés truqués sont autant de cicatrices visibles d’un État en déroute.
Pistes de sortie et exigences citoyennes
Il est temps de rompre avec la culture de l’impunité. Cela exige :
1. Une réforme profonde de la justice : indépendance totale des magistrats, renforcement des moyens, mécanismes de contrôle rigoureux, et protection contre les pressions politiques.
2. Un audit général des marchés publics attribués sous ce quinquennat, avec publication des résultats et sanctions effectives contre les responsables.
3. La création d’un organe indépendant de surveillance des fonds publics, intégrant société civile, juristes, auditeurs et journalistes d’investigation.
4. Une meilleure protection des lanceurs d’alerte, pour permettre à l’information de circuler sans que les auteurs soient victimes de représailles.
5. Une moralisation de la vie publique, avec publication du patrimoine des ministres et hauts fonctionnaires à leur entrée et sortie de fonction.
Le peuple attend des comptes, pas des discours. Les Congolais n’attendent plus des promesses. Ils veulent des actes, des résultats, une gouvernance éthique. La démocratie ne se résume pas à des élections, mais à la redevabilité permanente. Le mandat du chef de l’État risque de s’achever dans le fracas des scandales s’il ne remet pas le cap sur les priorités du peuple. La justice doit éclairer l’affaire Mutamba sans précipitation ni instrumentalisation. Mais elle ne peut non plus rester silencieuse. Car chaque jour de retard est un jour de plus de souffrance pour ce peuple trop longtemps sacrifié À suivre.( partager cet article. Tél. +243999999519)
0 Comments